SAISIE DE CARABINES À AIR COMPRIMÉ

 



QUAND L’APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION DÉRAPE


1 - LES TEXTES

Article L312-3-1 du code de la sécurité intérieure modifié par Ordonnance n°2019-610 du 19 juin 2019 - art. 10 :

« L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes, munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. »

Loi du 3 juin 2016 « l’autorité administrative peut saisir les personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. » A défaut de preuve, la crainte est donc suffisante. Certes, face à une insécurité grandissante, tout ceci peut s’apparenter à de bonnes décisions.

2 - LES FAITS

Jean-Baptiste, jeune lycéen, passait trop de temps sur ses jeux vidéo. Son père décida donc, pour l’occuper plus sainement, de l’inscrire dans une salle de sport et dans un club de tir. Les choses s’étant améliorées, Jean-Baptiste réalisant de bons scores aux épreuves de tir, il reçut en cadeau une carabine à air comprimé. Cette carabine tirant des plombs de 4,5 mm avec une puissance de 19,5 joules, classée en catégorie D était donc en vente libre. Tout se passa bien, d’autant que le frère aîné de Jean-Baptiste, Armand, possédait lui aussi la même carabine, ce qui permettait aux deux garçons de s’entraîner ensemble de temps en temps dans le jardin à faire « des cartons ».

Par un malheureux hasard, un soir, Jean-Baptiste se blessa au niveau de la jambe avec sa carabine, obligeant ses parents à faire venir les pompiers. Si ces derniers furent rassurants sur la gravité de la blessure, les services centraux du SAMU avaient tout de même prévenu la police qui arriva en grande trombe demandant force explications à la famille. Et pour cause, le SAMU leur avait donné comme indication sur les faits : « qu’il s’agissait d’un vieux monsieur s’étant tiré une balle dans la tête ! ». Les fonctionnaires prirent la chose avec humour et quittèrent les lieux.

Mais le lendemain, alors que le père de famille était à l’hôpital au chevet de son fils, le commissaire de police de la Circonscription, accompagné de son adjoint et de deux gardiens de la paix, arrivèrent au domicile de Jean-Baptiste pour, dirent-ils, récupérer la carabine en question. Sauf qu’il ne contentèrent pas que de cela et inspectèrent les chambres, notamment celle du fils aîné Armand, lui demandant d’ouvrir son coffre-fort et lui confisquant aussi sa carabine à air comprimé ainsi qu’une réplique SW à gaz. Quelques jours plus tard, le commissariat de police faisait savoir oralement à la famille, que les carabines et la réplique avaient été détruites sans fournir le moindre certificat de destruction.  De toute évidence, les faits en question avaient été qualifiés de façon erronée par tous les services intervenus sur l’affaire, parlant au départ « d’une tentative de suicide par arme à feu » ce qui ouvrait la porte à toutes sortes de suspicions jusqu’à celle de ces enquêtrices qui soupçonnèrent Armand d’avoir tiré sur son frère avec la carabine. Même si l’affaire fut classée sans suite, contrarié par ce comportement, le père de famille engagea un recours auprès du procureur de la république demandant la restitution des deux carabines à air comprimé et de la réplique SW à gaz, faisant remarquer l’absence de risque et le classement en catégorie D de ces carabines en vente libre ; catégorie non citée dans les textes. Après plus d’un an de procédure, le tribunal, par un simple message e-mail du substitut envoyé à l’avocat de la famille, faisait savoir que ces objets avaient été détruits. 

3 – CONCLUSION

Ayant moi-même tenu un poste à la DLPAJ au service de la réglementation des armes et explosifs du MI  lors de l’établissement du décret « Armes » de 1995, je sais la difficulté qui réside d’une part dans l’établissement des textes touchant à un domaine dont la technicité relève de spécialistes comme le sont les militaires et d’autre part dans l’application de ces textes qui réserve toujours des surprises. C’est pourquoi, durant les périodes d’insécurité, les fonctionnaires en poste dans ce secteur sont souvent à rude épreuve face à l’imprévisible. On peut regretter que sur le terrain, la crainte du risque fasse oublier aux fonctionnaires de police le besoin de justice des administrés. Il en va de l’ordre public.




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